Secteur d'activité boulangerie : un retour à la tradition
Mise à mal par la crise sanitaire, la hausse du prix de l’électricité, mais aussi par le changement de comportement des consommateurs, la profession de boulanger fait front en misant sur un grand retour de la qualité, tout en prenant en compte les défis énergétiques actuels. Stratégie gagnante !
Une boulangerie-pâtisserie pour 1800 habitants
Plus de 6 milliards de baguettes sont produites chaque année en France dans près de 30 000 boulangeries-pâtisseries ! Et pourtant, même si les boulangers sont parmi les mieux représentés des commerçants français (en moyenne, un établissement pour 1.800 habitants*) et sans doute les mieux ancrés dans l’imaginaire national (imagine-t-on notre pays sans ses fournils et son pain quotidien ?), les voilà plus que jamais confrontés à une nécessité de renouvellement et d’adaptation.
Boulanger : des aides financières et fiscales
Le Covid et les confinements, puis la guerre en Ukraine, la flambée des prix du blé et celle de l’électricité, ont précipité les difficultés des boulangeries à payer leurs factures, particulièrement dans les zones rurales, où la clientèle se raréfie inexorablement : chaque mois et dans chaque département, une boulangerie ferme ses portes faute de rentabilité. En fin d’année dernière, l'Association des maires ruraux de France alertait sur le risque de leur disparition dans les villages, et les boulangers montaient au créneau, annonçant diverses manifestations. Depuis, ils ont obtenu plusieurs aides financières et fiscales de l’État, pour les soutenir face à la hausse des tarifs énergétiques et leur permettre d’investir dans des équipements plus économes en électricité, mais aussi des mesures leur permettant de changer plus facilement de fournisseur. Cela suffira-t-il à conjurer une crise structurelle... qui ne date pas d’hier ?
Boulangerie : Un secteur en pleine mutation
Dans les années 60, le nombre de boulangeries s’élevait à plus de 50 000 et au début du XXème siècle, les Français consommaient en moyenne 328 kilos de pain… contre 45 kilos aujourd’hui ! Entre-temps, l’industrialisation est passée par là, modifiant en profondeur l’image traditionnelle du boulanger, premier de tous les artisans nourriciers d’un village, admiré pour son savoir-faire, indispensable à la vie locale. Souvenez-vous de cette belle pièce de Pagnol, « La Femme du Boulanger », qui raconte comment un hameau provençal s’étiole, lorsque son boulanger, déprimé par le départ de son épouse volage, cesse de faire du pain… et comment tous les habitants se mobilisent pour la faire revenir ! Tout un symbole, qui a été grignoté et émietté par le développement de la boulangerie industrielle, portée par la frénésie de surproduction des années 60 et 70. Les Français ont commencé à acheter partout le même croissant, la même baguette blanche, dans les supermarchés puis dans les franchises qui ont explosé dans les années 80.
Les Français n’ont pas fini d’être fous de pain
Les processus se sont automatisés, les boulangers-pâtissiers ont cessé de peser, pétrir et façonner, pour simplement appuyer sur les boutons de robots géants. Ils ont abandonné le levain pour des ferments chimiques ultra-rapides et l’emploi de pâtes surgelées s’est généralisé. Des évolutions qui se sont faites au détriment du goût, et parfois de la santé. Alors, le déclin actuel - tout relatif – du secteur est peut-être, en réalité, une chance ? Les boulangeries sont désormais moins nombreuses, mais plus qualitatives. Les boulangers-pâtissiers qui résistent sont ceux qui représentent le renouveau, en revenant, paradoxalement au vrai métier d’antan. Témoin de cette évolution et de ces attentes, l’émission à succès « La Meilleur Boulangerie de France », sur M6, fête ses dix ans cette année : avec plus d’un million et demi de spectateurs à chaque transmission, ce programme prouve bien que les Français n’ont pas fini d’être fous de pain… mais de bon pain ! Le succès du « fait-maison » - amplifié pendant les confinements, où tout le monde a voulu faire son pain et a renoué avec le goût ancestral de celui-ci. Et de façon plus générale, l’envie de revenir à un modèle moins consumériste se fait jour partout, accentué là aussi par la crise sanitaire : tout cela n’est pas un frein, mais au contraire un moteur.
Le retour à la tradition
C’est une place à reconquérir, pour les artisans boulangers qui sauront faire redécouvrir aux Français ce qu’ils savaient faire autrefois mieux que personne : le bon pain, fabriqué à l’ancienne, sans hâte, avec une fermentation naturelle et un pétrissage manuel. Laisser du temps au temps, c’est aussi se montrer moins énergivore, économiser de l’électricité… et donc, baisser ses coûts de production. « Le secteur avait besoin d’un retour aux sources », assure par exemple Thomas Teffri-Chambelland, qui a lancé avec succès plusieurs boulangeries à Paris, qui n’utilisent que du levain naturel.
Comme lui, la plupart des boulangers qui s’installent aujourd’hui dans le métier ont choisi de se reconnecter à l’essentiel, dans le choix de leurs matières premières mais aussi dans leurs façons de produire. “Mon pain aura ainsi sa personnalité, une signature qui ne sera pas forcément la même que celle d’un autre boulanger », remarque Anthony Courteille, également installé à Paris, qui emploie des variétés anciennes, de la farine complète bio et du levain naturel. Au-delà de leurs qualités gustatives, les farines issues de céréales paysannes locales, de variétés anciennes longtemps oubliées, permettent d’obtenir des pains plus digestes, à la teneur en gluten et à l’indice glycémique plus faible. Ce qui permet de remettre en état de grâce cet aliment qui fut longtemps le pivot de notre alimentation, avant qu’on lui reproche d’être indigeste, de favoriser des allergies ou de faire grossir – toutes critiques qui sont totalement liées, en réalité, aux façons de le produire et de le fabriquer !
Des qualités d’artisan… et de gestionnaire !
Le succès des boulangers aujourd’hui dépend donc de leurs qualités d’artisan, de leur amour du produit et de leur savoir-faire... mais pas seulement : il faut qu’ils s’adaptent aux tendances, répondent à la demande éco-responsable, anticipent les coûts et les hausses liées aux crises conjoncturelles, pour mieux gérer leur budget, équilibrer leurs dépenses.
A ces conditions, ils pourront tabler dès leurs débuts sur un chiffre d’affaires de 25.857 euros HT par mois (moyenne nationale estimée pour les boulangeries-pâtisseries artisanales débutantes*) D’après l’Observatoire Fiducial des Boulangeries-pâtisseries, le chiffre d’affaires moyen s’élevait à environ 235 000 € pour les artisans assujettis à l’impôt sur le revenu et de 440 000€ pour ceux assujettis à l’impôt sur les sociétés. La marge brute moyenne est d’environ 71 % du chiffre d’affaires hors taxes, 29 % du CA étant absorbé par les achats. Il devient de plus en plus essentiel d’équilibrer les charges courantes (loyers, assurances, énergie…) qui représentent entre 11 % et 20 % du chiffre d’affaires annuel, dont 5 % environ est entièrement consacré à l’électricité, l’un des postes les plus importants !
Pour mieux anticiper cette dépense et la maîtriser, le programme Baisse Les Watts accompagne les boulangers. Il les aide ainsi à poursuivre une évolution indispensable, qui correspond aux défis de la transition écologique et aux tendances actuelles de consommation : les Français veulent des aliments plus sains, produits en gaspillant le moins possible les ressources de notre planète. Les boulangers qui l’ont compris rencontrent le succès. Et ils sont de plus en plus nombreux, y compris du côté des boulangeries industrielles et des franchisés.
*Confédération nationale de boulangerie pâtisserie française
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